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PRÉVENTION DE LA MALADIE DU CORONAIRE

La maladie coronaire est une affection multifactorielle qui évolue le plus souvent pendant de longues années avant de devenir patente cliniquement.
Les facteurs de risque indiscutables de la maladie coronaire sont l'âge, le sexe masculin, la ménopause précoce, les antécédents personnels ou familiaux de manifestations cliniques en rapport avec l'athérosclérose quel qu'en soit le siège et quatre facteurs sur lesquels des efforts particuliers de prévention sont possibles : le tabagisme (grade B), l’hypertension artérielle (grade A), le diabète sucré (grade B) et les hypercholestérolémies (grade A).
La prise en charge d'un sujet atteint de dyslipidémie ne peut être que globale. La prévention la plus efficace résulte de la correction simultanée des facteurs de risque présentés par le sujet et non pas seulement de sa dyslipidémie. Dans ce contexte, la décision d'un traitement médicamenteux à visée hypocholestérolémiante doit être rigoureusement pesée car, dans la majorité des cas, il s'agit d'un traitement permanent devant être pris durant de nombreuses années.

SCHÉMA DE PRISE EN CHARGE DES DYSLIPIDÉMIES

La responsabilité de l'élévation des taux sanguins du cholestérol total, essentiellement du LDL-cholestérol, et de la baisse du HDL-cholestérol dans l'évolution de la maladie coronaire est largement démontrée.
L’abaissement du taux sérique de LDL-cholestérol est aujourd'hui considéré comme le meilleur indicateur d'efficacité de la prévention et c'est à partir de ce paramètre relativement simple à obtenir (2) qu'il a été décidé de définir les recommandations de prise en charge (grade A).
Néanmoins, la prise en compte d'autres paramètres lipidiques comme le taux du HDL-cholestérol et celui des triglycérides est nécessaire et des résultats d'essais de prévention en cours pourraient à l'avenir modifier (et vraisemblablement rendre plus complexe) le schéma actuellement proposé. Enfin, en prévention primaire, ces recommandations de grade A ne valent que pour des patients de moins de 70 ans.
La prise en charge des dyslipidémies consiste d’abord à prescrire une thérapeutique diététique adaptée. La thérapeutique médicamenteuse visant à obtenir une diminution supplémentaire du LDL-cholestérol est instituée en fonction de l’appréciation du risque coronarien global du sujet et selon les seuils définis dans le tableau 2.
Il a été en effet montré à de nombreuses reprises qu'un abaissement donné du taux de LDL-cholestérol conduisait à une réduction proportionnelle du risque, c'est à dire à un effet protecteur sur l'individu d'autant plus grand que le risque était élevé.
On conçoit dans ce cas qu'il soit plus efficace de traiter - toutes choses égales par ailleurs - des sujets à haut risque (et en particulier ceux déjà porteurs d'une coronaropathie) que des sujets à faible risque (3).
L'application des recommandations nécessite donc une estimation préalable du niveau du risque coronaire de l'individu. Il apparaît aujourd'hui au groupe de travail qu'une simple addition du nombre des facteurs de risque présents chez l'individu est adaptée à la pratique quotidienne. Les seuils d’intervention proposés ont été fixés consensuellement (avis d'experts et prise en compte des recommandations internationales existantes) et ne résultent pas d'analyses coûts-bénéfices formelles. En pratique, compte-tenu de la variabilité des paramètres lipidiques, le franchissement du seuil doit être observé lors d’au moins deux prélèvements successifs avant toute mise en œuvre de décision thérapeutique. Lorsque l’on traite une dyslipidémie, l’objectif est d’abaisser le LDL-cholestérol au-dessous des valeurs seuils d’interventions thérapeutiques (accord professionnel).
Il convient d'insister sur la nécessité dune prise en charge globale des facteurs de risque du patient dyslipidémique. Dans la négociation thérapeutique, il revient au praticien, d’apprécier non seulement la présence de chacun des facteurs de risque, mais aussi d’en apprécier leur importance et leur ancienneté. L'identification chez le patient d’antécédents personnels de maladie coronaire est un élément important de la décision thérapeutique. Elle permet de distinguer si la prise en charge thérapeutique de l’hyperlipidémie se situe dans le cadre de la prévention coronaire primaire ou secondaire.
En présence d’autres manifestations cliniques de l’athérosclérose, il est important de chercher des symptômes cliniques d’atteinte coronaire associée.

RECOMMANDATIONS COMPLÉMENTAIRES

Elles permettent de compléter et de préciser l'utilisation, en pratique courante, du schéma de prise en charge thérapeutique défini précédemment.
Chez les adultes des deux sexes, le traitement diététique doit toujours être proposé en première intention pendant 3 mois (accord professionnel). Il doit être poursuivi quelles que soient les autres modalités de traitement utilisées par la suite.
La thérapeutique médicamenteuse visant à obtenir une diminution supplémentaire du LDL cholestérol est instituée en fonction de l'appréciation du risque coronarien global du sujet et selon les seuils définis dans le tableau page 12 (accord professionnel).
Chez les sujets âgés de plus de 70 ans, il demeure raisonnable de limiter les interventions médicamenteuses à la prévention secondaire lorsque l'espérance de vie n'est pas réduite par une autre pathologie. Il n'est justifié de prolonger un traitement médicamenteux après l'âge de 70 ans en prévention primaire que si le sujet a plusieurs facteurs de risque, si son espérance de vie n'est pas réduite par l'existence d'une autre pathologie, si l'on a pris en charge les autres facteurs de risque réversibles et si les prescriptions n'entraînent ni effets indésirables, ni interactions médicamenteuses.
Il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'étude spécifique justifiant chez un patient dyslipidémique âgé de plus de 70 ans, tant l'instauration que la non-instauration d'un traitement médicamenteux en prévention primaire.
Les hyperlipidémies secondaires (hypothyroïdie, syndrome néphrotique, insuffisance rénale, cholestase...) ou iatrogènes (corticoïdes, contraception oestro-progestative, diurétiques, rétinoïdes, bêta-bloquants, antirétroviraux...) ne doivent pas donner lieu à des prescriptions d'hypolipidémiants sans traiter la maladie causale ou arrêter le traitement responsable, dans la mesure du possible.
Les hypertriglycéridémies représentent, aves les hypercholestérolémies pures ou mixtes, un type fréquent de dyslipidémie. L'élévation du taux sanguin des triglycérides nécessite avant tout un traitement diététique spécifique pour des valeurs comprises entre 2 et 4 g/l (2,25 et 4,5 mmol/L). Cependant, au-delà de 4 g/l (4,5 mmol/L), si ces mesures ne permettent pas d'obtenir l'abaissement du taux des triglycérides, le recours à la prescription médicamenteuse peut être justifié dans le but de limiter le risque de pancréatite aiguë [particulièrement à craindre à partir d'un taux de 10 g/l (11,25 mmol/L)], bien qu'aucune étude spécifique n'en ait apporté la preuve.
D'autre part, aucune étude d'intervention n'a montré que la baisse des triglycérides entraînait une diminution significative de la morbidité cardiovasculaire. Ce phénomène est seulement suggéré par certaines études.
L'hypo-HDL-émie est un facteur de risque coronaire le plus souvent associé à une hypertriglycéridémie, un diabète sucré ou une obésité. Elle justifie et nécessite la correction de l'hypertriglycéridémie, l'équilibre du diabète, la correction de la surcharge pondérale. C'est tout particulièrement dans ce contexte que les thérapeutiques diététiques et la reprise d'une activité physique ont montré leur efficacité.

TRAITEMENTS

Le traitement diététique bien conduit peut permettre d'éviter l'instauration d'un traitement médicamenteux dans de nombreux cas. Il doit pour cela être instauré avec une motivation suffisante du prescripteur et du patient. Les modifications du régime alimentaire ont pour but essentiellement la diminution de la consommation des graisses d'origine animale, (acides gras saturés), et la correction pondérale si nécessaire. Elles doivent être présentées sous forme positive. Le traitement diététique des dyslipidémies doit être accompagné le plus souvent possible de conseils visant à corriger une sédentarité excessive : la pratique d'une heure de marche par jour permet, par exemple, de répondre à cet objectif.
Lorsqu'un traitement médicamenteux est nécessaire, selon le libellé des AMM , trois classes de médicaments sont indiquées dans le traitement de différentes dyslipidémies :

  • statines : hypercholestérolémies pures ou mixtes
  • fibrates : hypercholestérolémies pures et hypertriglycéridémies endogènes, isolées ou associées
  • colestyramine : hypercholestérolémie essentielle

Certains hypolipidémiants ont montré un bénéfice sur la morbidité coronaire en prévention primaire (gemfibrozil, colestyramine et pravastatine) ou secondaire (gemfibrozil et pravastatine) (grade A). Mais seuls deux principes actifs au sein de la classe des statines ont montré une réduction significative de la mortalité totale, en prévention primaire (pravastatine) ou secondaire (pravastatine et simvastatine) (grade A).
Dans l'attente de résultats d'études cliniques en cours, il est recommandé de prescrire des traitements ayant démontré leur efficacité sur des preuves cliniques (prévention de la survenue d'événements cliniques cardiovasculaires), par rapport à ceux n'ayant démontré d'efficacité que sur des critères biologiques.
Une fois instauré, le traitement médicamenteux, comme le traitement diététique, doit être poursuivi au long cours, tout en faisant l'objet de réévaluations périodiques.
Rappelons que la grossesse constitue une non-indication à la prescription des statines et des fibrates. La prescription d'un hypolipidémiant lors de la grossesse relève d'un avis spécialisé.

Les hypolipidémiants, surtout à fortes posologies, exposent à des effets indésirables : digestifs pour la colestyramine, hépatiques et musculaires pour les fibrates et les statines. Il convient par ailleurs d'être vigilant sur le risque d'interactions médicamenteuses dans le cas de prescription d'associations telles que fibrates + statines, fibrates + antivitamines K, ou colestyramine + autre médicament. L'association de plusieurs hypolipidémiants appartenant à la même classe pharmacologique est illogique, et parfois dangereuse.

(1) taux : dans ce document le terme de taux sérique signifie concentration sérique.
(2) Les dosages lipidiques nécessaires pour l'estimation correcte du LDL-cholestérol pour la plupart des individus dyslipidémiques sont le dosage sanguin du cholestérol total, du HDL-cholestérol et TG. On utilise la formule de Friedewald, applicable pour une triglycéridémie inférieure à 4g/l : LDL-cholestérol (g/l)= CT(g/l) - [HDL-C(g/l) +TG(g/l)/5]
(3) Une manière plus rigoureuse d'exprimer ce fait est de constater qu'il convient de traiter beaucoup plus de sujets à bas risque que de sujets à haut risque pendant par exemple 5 années pour diminuer d'une unité le nombre d'évènements coronaires observés pendant ces 5 ans.